Maintenant que j’ai trouvé un titre bien provocateur j’ose réclamer votre attention. (Pardon)
Ce weekend a eu lieu sur Twitter ce que l’on surnomme désormais « la polémique ». Un surnom que j’ai du mal à saisir quand il s’agissait finalement de mettre au clair certaines pratiques de promotion parfois limites et le manque de transparence des maisons d’édition pour promouvoir leurs publications. Que les choses soient claires : donner son avis n’a rien de « provocateur » et ne méritera ni la violence et les insultes qui ont pu avoir lieu sur les réseaux sociaux, ni les tentatives de diffamation de la maison d’édition envers ses « détracteurs ». La « polémique » n’en était donc pas une, elle n’a fait que révéler des faits concrets. Et puis s’il faut désormais partir dans le « drama » pour se faire entendre autant y aller à pieds joints. Sautons !
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Si vous avez loupé l’affaire tout est parti de la proposition d’une maison d’édition (ME) sur les réseaux sociaux envers ses lecteurs. Généreuse, la ME s’est proposée d’ouvrir son comité de lecture autrefois « top secret » et super « exclusif » à trente nouvelles personnes par an qui auraient ainsi la chance de recevoir toutes leurs publications sur une année (15 livres au total) et le bonheur de partager leur avis sur ces dernières sur les plateformes de leur choix. Les conditions pour y participer : un « engagement total » c’est-à-dire pas le choix sur les livres reçus (suites de saga comprises), l’obligation de les chroniquer (avis + retours sur leurs fiches de lecture internes) et un délai de lecture imposé. Le tout pour « rien » puisque ce travail et ses nombreuses conditions n’est pas rémunéré si ce n’est avec les super livres « offerts ». Si pour certains cela a été vu comme une véritable opportunité de se faire connaître et de lire gratuitement un catalogue, autant vous dire que j’ai plutôt grincé des dents en constatant que la ME s’offrait un véritable comité de lecture gratuitement tout en demandant un travail chronophage et habituellement rémunéré. Une pratique loin d’être nouvelle mais qui n’en demeure pas pour autant normale.
Bien. Maintenant que le contexte est posé on va remettre les choses en place.
1. Le lecteur fait partie intégrante de la stratégie de communication des ME
A l’instar des désormais célèbres blogueurs et youtubeurs gaming lifestyle ou beauté le simple fait de chroniquer votre dernière lecture apporte visibilité, référencement et potentielles ventes à une ME. Cette affirmation est vraie que vous soyez rémunéré ou non, que vous ayez reçu votre livre en service presse ou acheté dans le commerce, que vous ayez une grosse comme une petite audience. Dans tous les cas une ME est gagnante et elle l’a bien compris. Comme dans n’importe quelle entreprise une ME met en place des stratégies de communication pour vendre, c’est normal. Ce qui l’est moins c’est de faire passer une nouvelle stratégie de communication et un comité de lecture comme un acte de pure générosité et de partage comme ça a été le cas ce weekend. Car oui lire un livre ou une saga complète, en faire une chronique, la partager dans un délai précis ça prend du temps et c’est un véritable travail. Un travail que la plupart des gens qui ont postulé à cette proposition se sont proposés de faire par passion et en y voyant l’opportunité de lire pour « rien ». Sauf que non, « rien » ce n’est pas :
- Lire un livre que vous n’avez pas choisi (et ses tomes précédents si vous recevez une suite)
- Respecter un délai de lecture
- Renseigner ses impressions dans un fichier interne à la ME (pour l’optimisation de son futur catalogue en ciblant les goûts d’un panel)
- Rédiger une chronique
- Filmer et monter une vidéo
- Partager l’information à sa communauté
Alors je suis ravie pour vous si cette opération vous parle et vous fait plaisir. Sincèrement. Je comprends tout à fait votre volonté de découvrir le catalogue d’une ME que vous aimez, de pouvoir lire des livres que vous n’auriez pas pu acheter, de pouvoir lire certaines histoires en exclusivité mais sachez que la ME a plus a y gagner que vous et elle le sait.
Parce que quand la ME communique en disant qu’elle ouvre ses publications à sa clientèle juste pour lui faire plaisir c’est pas entièrement vrai. Vous demeurez quoi qu’il arrive une base de savoir gratuite pour sa ligne éditoriale, un référencement naturel tout frais payés, un public avec qui elle pourra imposer des conditions strictes qu’elle n’aurait pas demandées à d’autres. Alors non il n’a jamais été question de remettre en cause les participants de cette opération mais clairement le manque de transparence de la ME derrière ces pratiques et conditions strictes. C’est du marketing et… pas autre chose. (Ceci dit en tout état de cause c’est mon métier, les relations presse je connais comme ma poche).
2. Oui des chroniques livresques peuvent être payées et non ce n’est pas réservé à l’élite.
Venons-en à mon point préféré, celui de ceux qui « crachent dans la soupe » ! Parce que celui-ci je l’ai pas mal vu passer sur les réseaux sociaux et je vais y mettre un terme tout de suite. Non ne pas être totalement d’accord avec cette opération et en parler publiquement ce n’est pas être aigri / jaloux / en colère, non recevoir un service presse ce n’est pas être privilégié, non être payé pour une chronique ce n’est pas mettre son objectivité à la poubelle.
Car oui, pas mal semblent avoir découvert avec les discussions qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux que des blogueurs et booktubeurs pouvaient être payés pour chroniquer des livres. Ce n’est pas nouveau et ce n’est bien évidemment pas proposé à tout le monde car là c’est un vrai budget (comptez de 50€ à 150€ pour un article et ses différents arcs de promotion sur les réseaux sociaux). Et détrompez-vous ce ne sont pas toujours les « gros comptes » qui reçoivent ces propositions ni les communautés livresques : sachez que les comptes lifestyle sont bien plus sollicités que nous pour des chroniques et partages rémunérés (notamment par la fameuse ME dont on parle dans cet article). Et oui, la communauté livresque étant plutôt bien naïve et très passionnée elle fait souvent le travail pour un service presse (parce que c’est déjà un cadeau pour elle d’avoir un livre) et ça les ME l’ont bien compris. Si on en demande pas plus… elle n’iront pas vous le proposer d’office.
C’est pourquoi… si on vous impose des conditions strictes comme un livre sans que vous puissiez le choisir (et ses suites / tomes précédents), des délais fermés et des partages imposés et bien vous êtes en droit de demander une rémunération et cela n’aura rien de choquant ou de démesuré parce que ça reste un boulot et pas mal de temps investi. Libre à vous de le faire ou non mais c’est aussi la raison pour laquelle beaucoup se sont exprimés contre les pratiques très strictes de cette ME ce weekend.
3. De l’importance de négocier
Compter sur votre passion désintéressée ou sur les pratiques désormais devenues normales et habituelles pour imposer des conditions strictes c’est bien ce qui m’a agacée dans cette histoire. Parce que des phrases comme « ça fait des années qu’on fonctionne comme ça » ou « franchement un livre contre une chronique c’est pas bien méchant » c’est juste encourager les gens à garder les yeux bien fermés et à accepter tout et n’importe quoi sous peine que c’est « comme ça ». (Et qu’en plus on en demande trop)
Sauf que non.
Oh moi aussi quand j’ai débarqué dans l’univers de la blogo et du youtube livresque je voyais l’opportunité d’avoir un service presse comme une reconnaissance de la qualité de mon travail par la maison d’édition et une chance extrême de pouvoir lire gratuitement. Sauf que dans tous les cas c’est encore une fois la ME qui gagne, si elle paye effectivement des frais d’envoi, le coût des SP était déjà calculé dans son budget d’impression initial (elles ont des quotas) et le référencement gratuit ce sera pour votre pomme. Dans la plupart des cas c’est un rapport gagnant-gagnant car c’est un livre qui vous faisait envie dans votre poche et de la promotion à moindres frais pour la ME. Toutefois ce n’est pas toujours le cas et c’est alors a vous d’apprendre à négocier.
Car se voir imposer un délai ou des livres ce n’est plus forcément faire entrer la lecture dans une dimension de plaisir, on en arrive à poser des contraintes. Des contraintes que vous n’êtes en aucun cas obligés d’accepter ! Car contraintes signifie pression et donc pouvoir en arriver à se dégoûter de lire pendant un temps. Je ne compte pas le nombre de personnes de la communauté que je connais m’ayant dit (en vrac) : « je dois finir mes SP », « je dois lire ce livre », « je sais pas quoi faire avec ce livre j’avance pas », « je ne l’avait pas demandé »… désolée mais pour moi ça ressemble à des « devoir » et à ce titre vous êtes en droit de soit demander une rémunération pour ou bien de négocier les conditions (délai / obligation d’une chronique) afin qu’elles puissent s’adapter à votre rythme de vie ou vos envies.
Et là je sens arriver la remarque suivante : « Mais moi je suis un petit compte, je peux pas me permettre de refuser ou négocier comme les grands sinon on fera plus appel à moi ! » ou encore « C’est déjà une opportunité énorme, ça peut m’aider à me faire connaître, tant pis si c’est contraignant au début.». Et là je vais de demander : est-ce que t’as vraiment envie de bosser avec une ME qui pratique le chantage ? Est-ce que t’as envie d’instaurer la peur dans ta passion ? Sache que j’ai déjà refusé et négocié des service presse parce que les conditions ne me convenaient pas (même à mes débuts) et que… ben non j’ai pas été « grillée » par les fameuses ME pour autant. Comme la plupart des gens d’ailleurs. Et au pire qu’est-ce que tu perds ? De ne plus recevoir de service presse ? Franchement il vaut mieux ça que de perdre tout plaisir dans ton loisir.
Négocier ce n’est pas le « privilège » des « gros noms » dans la blogo, booktube ou encore bookstagram. C’est normal et ça ne devrait pas te faire peur en n’étant pas payée de ne pas accepter des conditions strictes et non justifiées. Sinon ça entretien le système et c’est ainsi que les pratiques et la peur continuent devenant des normes pour tout le monde. Oui les ME établissent des stratégie de promotion dans des délais donnés mais toi tu n’es pas leur prestataire, tu n’as pas de salaire pour ça, tu as le droit de dire que tu prends ton temps et que tu as aussi une vie, un travail, des études, une famille en plus d’une simple lecture à gérer.
En conclusion ?
Cet article n’est pas produit dans le but de vous obliger à facturer le moindre de vos articles ou vidéos ni à renoncer à votre passion (c’est le plus important) mais de vous démontrer que vous êtes importants et que les ME ont plus besoin de vous que l’inverse. Vous avez le droit et même le devoir de toujours vous écouter en priorité.
Malheureusement le simple fait de le dire et de le dénoncer sur les réseaux sociaux a eu des conséquences gravissimes : des insultes envers les personnes s’exprimant contre ces pratiques, des menaces de diffamation de la part de professionnels de l’édition (en parlant à la presse pour attaquer leurs "détracteurs") ou encore des ME qui vous affichent et vous bloquent sur les réseaux sociaux parce qu’elles refusent d’entamer une discussion et n’acceptent pas la critique.
J’ai envie de conclure en vous disant de continuer à diffuser votre passion, de le faire avec enthousiasme et de saisir toutes les opportunités qui vous séduiront… mais en gardant cet œil critique qui n’a rien de néfaste.
Belles lectures à tous !
PS : Bien évidemment ces remarques concernant les techniques de promotion et les budgets y étant associés ne seront pas valables pour les auteurs auto-édités ou les petites maisons d’édition qui, elles, n’ont pas le même budget et comptent souvent sur les partenariats avec les communautés digitales pour faire connaître leurs publications à moindre frais.